L'esprit de l'homme est-il fait tel que pour survivre il accepte d'ignorer sa propre condition ?
Faut-il les monstruosités d'une guerre comme celle que nous nommons "la dernière" pour que nous soyons contraints d'admettre ce que nous sommes et, plus que la bombe d'Hiroshima, ce qui nous interroge à l'extrême est ce que nous nommons le génocide qui, malgré une volonté d'oubli, reste une plaie vive dans la mémoire collective ?
Ce que manifestent les travaux sculpturaux de France Lerner est cette permanence, point seulement celle de la mémoire ou du ressentiment, mais l'implication conceptuelle de ce déchirement de l'être qui s'exprime dès l'origine de l'oeuvre et s'énonce dans son incarnation.
Cette inquiétante étrangeté chez cette artiste, en deçà de la finalité sculpturale a déterminé une démarche qui évoque une appréhension conflictuelle, conceptuelle, des menaces qui ont guetté, qui guettent la condition humaine.
Ses travaux, au cours de ces dernières années, incarnent cette accoutumance aux questions fondamentales qui interrogent notre espèce. ce cheminement qui lui permet aujourd'hui de présenter "Charbon" corollaire à son évolution et hommage aux victimes du génocide. A y bien voir in situ, qu'évoque ce cercle de têtes ? On ne pourra échapper au fait d'y voir les têtes des "justes" sur lequel repose la stabilité du monde. Et les voici ici mutilées, reposant sur la cendre, bouches encore chargée de l'or de leurs paroles, maintenant tuées comme la lampe du tungstène dont la flamme s'est éteinte et ne laisse plus percevoir qu'un son dénué de sens. L'angoisse nous étreint, les justes ont-ils échappé à l'hécatombe ? Génocide. Des justes supports du monde, ne reste-t-il que ces têtes mutilée, basalte et poussières de charbon agglutinés ?
Nous n'épiloguerons pas sur la symbolique, sur les symboliques que contiennent ces travaux. Chacun y pourra avancer son interprétation. Mais nous nous accordons d'y présenter une contestation du silence qui envelope la permanence du génocide que l'humanité subit chaque jour à travers le monde meurtri.
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Jacques Lepage. Critique d'art et théoricien de l'école de Nice.
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